KHERRATA : HOMMAGE AU MAÎTRE D’ECOLE

 

KHERRATA : HOMMAGE AU MAÎTRE D’ÉCOLE

 

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En cette rentrée des classes, notre pensée va vers notre ancien instituteur dont le souvenir demeure impérissable dans nos esprits et dans nos cœurs.

 

A Kherrata, dans les années cinquante, le directeur de notre école fut monsieur Challal Djoudi, un Algérien kabyle dont la nomination à ce poste éveillait chez la population indigène une certaine fierté.

 

Pour nous, ses anciens élèves, à présent sexagénaires, pères de familles et anciens cadres pour la plupart, Monsieur Challal n’est pas sans rappeler irrésistiblement celles de Mouloud Feraoun et de Mouloud Mammeri car, assurément, notre maître avait l’envergure intellectuelle de ces deux humanistes immortels.

 

Sous sa férule, une férule imprégnée de pédagogie, de morale et de civisme, nous avons été façonnés pour devenir « les hommes de demain » comme notre maître se plaisait à le répéter souvent ; ces hommes qui prendraient en charge les destinées du pays, car, déjà, monsieur Challal savait : il savait que l’indépendance de l’Algérie était incontournable et que l’école et le savoir constituaient les éléments les plus importants sur l’échiquier du devenir de la Nation.

 

Monsieur Challal était instituteur, bien sûr, mais il était aussi le confident des élèves, le conseiller des parents, le sage du village… Sa présence réconfortait, ses paroles rassuraient, son dévouement stimulait…

 

Monsieur Challal, en sa qualité de directeur, était chargé de l’instruction des grandes classes, en l’occurrence le Cours fin d’Études (C.F.E.). Peut-être était-ce sa bonhomie rassurante, son appartenance à la culture berbère — ou parce que c’était le père de notre camarade de classe Bachir – en tout cas, nous étions unanimes pour dire que « Monsieur Challal était le meilleur maître que nous ayons eu ». Et pourtant, les instituteurs précédents n’étaient pas incompétents, loin s’en faut !

 

Oui, monsieur Challal avait des méthodes pédagogiques infaillibles pour rendre claire la plus alambiquée des leçons. Avec lui, le subjonctif passé se conjuguait aussi facilement que le présent de l’indicatif ; l’accord du participe passé ne faisait plus l’objet de confusions ; les règles complexes de l’orthographe d’usage et grammaticale devenaient aussi limpides que l’eau de roche ; la mémorisation des dates historiques relevait d’un simple jeu ; avec monsieur Challal, les mots étaient vivants, les phrases joyeuses, les paragraphes guillerets, les textes éternels…

 

Et, en calcul, on trouvait presque du plaisir à trouver la seconde précise à laquelle un train, mesurant tant de mètres, roulant à tant km/heure, ayant démarré de telle ville à telle heure, sortira d’un tunnel mesurant tant de mètres, se trouvant à tant de kilomètres de la ville de départ...

 

À propos de problème, je me souviens d’une séance de calcul mental où l’intelligence latente de notre camarade Mohamed nous fut révélée d’une manière spectaculaire.

 

Le calcul mental était un exercice très rapide. On disposait seulement de cinq secondes pour réfléchir et répondre, sur les ardoises, à la question qui était toujours une véritable colle. Ce jour-là, l’énoncé de l’exercice s’articulait comme suit :

 

« Une planche mesure un mètre de longueur. On la coupe en trois coups de scie de façon à obtenir des tronçons de bois égaux. Quelle est la longueur de chaque tronçon ? »

 

A la fin des cinq secondes, toutes les ardoises affichaient le même résultat : 33,33 cm. Sauf celle de Mohamed qui indiquait : 25 cm. Toute la classe éclata de rire. Mais la voix grave et quelque peu moqueuse de monsieur Challal nous rappela à l’ordre : 

 

« Attention, rira bien qui rira le dernier ! »

 

Puis, il poursuivit lentement en martelant chaque syllabe : 

 

« Seul -Mo-ha-med-a-trou-vé-la-bon-ne-ré-ponse ! »  

 

À ces paroles, notre esprit s’éclaira subitement : le système des intervalles ! Eh oui, les trois coups de scie fractionnaient la planche en quatre tronçons et non en trois comme nous l’avions tous pensé précipitamment et stupidement !


Par cette prouesse mathématique, Mohamed força l’admiration de toute la classe. 

 

Merci, cher maître ! Merci de nous avoir appris à conduire nos pensées en ordre, à rester lucides en toute circonstance.

 

Merci pour ces maîtres mots que vous nous avez légués : observation, réflexion, conclusion…

 

Rassurez-vous cher instituteur, les graines que vous avez semées n’en finissent pas de mûrir.

 

Reposez en paix, cher maître !

 

Certes, votre corps a disparu pour toujours, mais votre image et votre aura resteront à jamais vivantes dans nos souvenirs !

 

Lem

 

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05/09/2013
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