Vivre dans la tempête est un art que seuls
les artistes cultivent en bordure des cités souffrantes.
M’Hamed Hassani
ZIZI NABILA, ARTISTE PEINTRE
UNE ÉTOILE QUI ILLUMINE LES TOILES
Qu’est-ce que l’art ? Selon Wikipédia, l’art est une activité humaine, le produit de cette activité ou l'idée que l'on s'en fait s'adressant délibérément aux sens, aux émotions, aux intuitions et à l'intellect. On peut dire que l'art est le propre de l'humain, et que cette activité n'a pas de fonction pratique définie. On considère le terme « art » par opposition à la nature « conçue comme puissance produisant sans réflexion » et à la science « conçue comme pure connaissance indépendante des applications ». Il semble toutefois que l'objectif de l'art soit d'atteindre le beau.
Connaissez-vous les neuf arts ? Si oui, bravo, sinon il faut savoir qu’à la fin du XXe siècle, la liste suivante se trouve bien établie et stabilisée à neuf, à l’image du nombre des Muses antiques (chacune des neuf déesses qui président aux arts libéraux) :
1er art : l’architecture ;
2e art : la sculpture ;
3e art : la peinture ;
4e art : la musique ;
5e art : la poésie ;
6e art : la danse, le mime, le théâtre et le cirque, aujourd’hui les « arts de la scène
7e art : le cinéma ;
8e art : la radiodiffusion, la télévision et la photographie, regroupées en « arts médiatiques » ;
9e art : la bande dessinée.
La charmante station balnéaire d’Aokas est connue pour l’amour que vouent ses habitants pour les arts. Chaque village de cette localité compte plusieurs passionnés des deux sexes de ce savoir-faire, de cette virtuosité, de ce talent.
D’ailleurs, le quotidien La Cité a maintes fois fait l’éloge de ces artistes qui voyagent entre poésie, musique, sculpture, écriture, théâtre… À Aokas, le mot culture est dans toutes les têtes et les pensées des têtes convergent vers toutes les cultures. Autrement dit, chez les citoyens de cette localité, cette culture est dans le sang, le ton et le son.
Jusqu’au 27 mai 2017, l'artiste de talent, Mme Zizi Nabila, née Benmehdi, épouse, mère et grand-mère, native d’Aokas, expose à la maison de la culture de Béjaia ses tableaux hauts en couleurs rehaussés par les textes ô combien poétiques de notre ami écrivain et dramaturge Hassani M'Hamed. Visiter ce vernissage est assurément un réel plaisir pour les yeux et l’esprit.
Les tableaux exposés sont tout simplement vivants, émouvants et pittoresques. Le mélange des formes et l’harmonie des couleurs que les traces du pinceau ont savamment orchestrées confèrent à l’ensemble de la toile une musicalité délicate que l’admirateur ouï en silence pour éloigner tous les non.
L’examen de chaque tableau donne libre cours à notre imagination impatiente pour découvrir au gré de notre méditation d’autres tableaux imbriqués dans la même peinture. Chaque coup de pinceau de l’artiste est une invite à une réflexion qui va au-delà de la simple réalité transcendant même les printemps et l’espace-temps.
Les œuvres de Zizi Nabila sont sorties des entrailles de son âme, quelquefois de ses douleurs à la suite de la disparition des êtres aimés, et selon l’inspiration du moment, du vécu de la société en proie aux mille et une vicissitudes de l’existence. Chacune de ses créations exprime avec une voix intérieure plusieurs voies extérieures mettant à nu les fluctuations du phénomène social que le visiteur est invité, comme dans une énigme, à découvrir.
Exemples :
- Caricature peinte montrant un personnage de sexe neutre avec un énorme ventre et une toute petite tête : comme quoi, chez nous, la culture (petite tête) est réduite à une portion insignifiante au bénéfice des fastfoods et autres gargotes (gros ventre) qui émergent partout et qui sont sur le point de supplanter toute activité intellectuelle.
- Un portrait montrant un visage endurci et austère entouré d’un grand nombre de têtes identiques aux couleurs sombres sur fond blanc : soumission à une pensée unique et inique.
La visite de cette exposition de peinture est vivement recommandée pour la belle rencontre que chacune et chacun fera avec ses propres pensées, ses idées et ses espérances.
« La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié » (Herriot). À voir le taux d’absentéisme de cette culture dans notre pays, un jour peut-être oublierions-nous jusqu’au reste de ce développement de l’esprit, n’était-ce ces bâtisseurs du savoir et de la connaissance qui ne cessent de maintenir en vie l’espoir par la plume, le pinceau, le geste et la parole.
Merci d’exister les artistes ! Mais comment définir ces maestros ?
L’explication est laissée à nos deux créateurs qui esquissent dans la question et réponse suivantes le portrait contrasté de ces adeptes de la pratique des beaux-arts :
Mhamed Hassani : L’artiste est opprimé par son environnement social auquel est destinée son œuvre, il est constamment dérangé alors qu’il se veut dérangeant. Cela doit être plus compliqué pour la femme artiste ?
Nabila Zizi : L’artiste a le devoir de tout dire en toute liberté, de tout expérimenter pour aller au-delà des apparences. Mais sincèrement en tant que femme, cela est très difficile, je ne sais pas jusqu’où je peux aller sans troubler la tranquillité des miens. Pris dans le tourbillon de notre art, des fois, il nous est très difficile de savoir où s’arrêter, où est la limite, la norme de la normalité.
Lem
QUAND L’ÉCRIT TRANSCENDE LES CRIS
Il y a vingt-trois ans, le 2 juin 1993, un démocrate algérien disparaissait à Alger cinq mois seulement après la création de l’hebdo « Ruptures » dont il était le directeur. Il fut l’un des premiers intellectuels victime de la décennie noire.
Il s’appelle Tahar Djaout, écrivain, poète, romancier et journaliste. Il est né en 1954, date historique à la fois douloureuse et bienheureuse pour le peuple algérien. Révolution, martyrs, indépendance…
Tahar signifie « pur » en algérien ; Djaout peut être traduit par « voici venu le mois d’août, l’été ».
On a assassiné la vertu, on a assassiné la saison. L’automne et l’hiver ont recouvert le printemps.
Mais des graines de la raison et de l’espoir sont semées profondément, d’elles germeront les rayons du soleil pour relever la baisse de température.
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*« Attablé à la terrasse d’un café à Constantine, je regarde distraitement une personne adossée à un arbre en me disant in petto « Cet homme est mon frère, Algérien comme moi » ; et je m’amuse à chercher des indices confirmant ma pensée.
Aussitôt, j’élimine la toque afghane coiffant la tête du bonhomme ; ainsi que la longue barbe hirsute mangeant tout son visage ; exclus également le blouson en cuir et la tunique marron mi-longue ; exit aussi le pantalon bouffant, les baskets et les socquettes.
Pas le moindre petit indice d’algérianité ! Pourtant, en mon for intérieur, je savais bien que cet individu est fils de mon pays. Mais, comment le démontrer ? Une idée ! Je vais lui adresser la parole, sa réponse dans ma langue me donnera enfin la preuve recherchée.
Or, quelle ne fut ma surprise quand « mon frère » me répondit avec un accent étranger, dans une langue qui se trouve à mille lieues du savoureux parler algérien.
Qu’es-tu devenu frangin ? Pourtant, nous sommes bien en Algérie, et nous sommes bien Algériens ! La preuve, à quelques encablures d’ici, à El-Khroub, se trouve le tombeau de Massinissa »…
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Ainsi parlait Tahar Djaout, l’Algérien.
Lem
PLEURE Ô PAYS « BIEN NÉ MAIS » !
Comme dirait l’autre, « Si on avait voulu détruire ce pays, on ne s’y serait pas pris autrement ! ». En effet, depuis l’indépendance, tout a été dénaturé dans cette nation.
Les langues maternelles algériennes, daridja et tamazight, cohabitaient harmonieusement et conféraient à l’Algérie une spécificité reconnue mondialement et dont tous les habitants étaient fiers ; or, ils ont tout changé.
Le style vestimentaire féminin et masculin, élégant, ancestral et original, donnait à la population une empreinte naturellement maghrébine et africaine, unique au monde ; or, ils ont tout changé.
La culture, plusieurs fois millénaire, et ses corollaires que sont les coutumes, les traditions, les comportements, les mœurs, les principes, la morale constituaient l’essence même de l’âme des Autochtones de ce pays ; or, ils ont tout changé.
L’histoire antique et récente du pays, parsemée de noms de héros illustres qui ont défendu la patrie et construit le premier état de ce territoire, et dont l’évocation suscitait la fierté de leur descendance, léguait une certaine grandeur au peuple ; or, ils ont tout changé.
La personnalité algérienne, constituée de courage, de dignité, dont la notion de « nif » collée à son caractère trempé, devenue proverbiale, forçait l’admiration des autres ; or, ils ont tout changé.
Ainsi, les ridicules déshonorants ont fini par supplanter les vertus cardinales dans les quatre points cardinaux de ce beau pays. Quant à la femme, aux femmes…
Mais qui sont ces « ils » ?
Ce sont ces violeurs et ces ravaleurs de valeurs qui cherchent à voler sans elles.
Lem
DÉCÈS DE HADJ ZEKKAR SI AHMED
LE PÈRE, LE FRÈRE, LE COMPAGNON
Aujourd’hui, 22 août 2016, un grand homme nous a quittés à l’âge de 92 ans. Des décennies de sa vie consacrées à l’autre et aux autres ; des décennies de sa vie employées au service de ses concitoyens et de son entourage proche ; des décennies de sa vie appliquées à répandre autour de lui la bonne parole, la bonne éducation, la bonne humeur…
Qui ne connaît pas Hadj si Ahmed Zekkar à Kherrata où il s’est établi depuis des lustres, et à M’Sila sa ville natale ? Qui ne connaît pas cet homme jovial, pur et vertueux que tout le monde respecte pour sa modestie, surtout la jeunesse pour laquelle il s’est livré corps et âme ? Qui ne connaît pas ce personnage haut en couleur et cette personnalité dont la compagnie est très appréciée par tous les habitants des deux cités ?
À Kherrata, c’est tout naturellement qu’il a été élu président du club sportif local : la J.S.K. (Jeunesse Sportive de Kherrata). Président hors du commun, il a donné ses lettres de noblesse à cette équipe de football qui était sur le point de péricliter. Si Ahmed, comme on l’appelait respectueusement, fut un dirigeant sportif passionné et infatigable. Il a su transmettre à tout son staff ces deux qualités qui ont valu à la JSK, née en 1946, d’occuper les premières loges de la ligue régionale.
Président, certes, mais pas seulement ; car si Ahmed avait un sens de l’humour savoureux, très prisé par la population, si bien que ces anecdotes et ses faits désopilants se racontent encore et resteront assurément dans les annales des bons mots.
Adieu si Ahmed, ton doux sourire et ton rire tonitruant, ton visage et ton aura, ton enjouement et ton abnégation resteront à jamais gravés dans nos cœurs et nos souvenirs.
À Dieu nous appartenons, à Dieu nous retournons.
Lem
SOURIEZ,
VOUS N’ÊTES PAS PHOTOGRAPHIÉS !
Il est gratuit, il est beau et il peut rapporter gros ; c’est le trait d’union entre lui et lui, elle et elle, lui et elle, elle et lui ; c’est l’échange de bonheur entre le père et le fils, la mère et la fille, les parents et les enfants ; c’est la clef universelle qui ouvre toutes les portes ; c’est un fruit sans pépins qui donne la banane et la pêche ; avec lui, l’être est toujours radieux.
Depuis peu, la science s’intéresse au sourire. En effet, des chercheurs américains ont découvert que le sourire avait des effets bénéfiques sur la santé. Le sourire déclencherait des modifications biochimiques dans le cerveau qui libérerait le stress, l’inquiétude et les tensions que l’on peut accumuler tout au long de la journée. Il permettrait donc d'augmenter notre bien-être, mais aussi celui des autres.
Les vertus du sourire sont innombrables. Entre autres, il met de bonne humeur, embellit et rend attirant, conserve la jeunesse, aide à rester positif, fait passer un message difficile, développe la convivialité, élimine les énergies négatives, relève notre estime de soi.
En souriant, nous utilisons 17 muscles qui permettent de libérer des substances dans le corps qui vont le détendre et lui apporter un sentiment de bien-être. Lorsque le corps se sent bien, il fonctionne mieux et lutte mieux contre les virus et autres maladies ; nous pouvons dire que sourire est le meilleur médicament qui soit.
Au cas où vous oublieriez de sourire, n’en faites pas un fromage, et dites « cheese »…
Lem
SI EL MAHDI BENMAHDI,
UN SAGE NOUS A QUITTÉS
Qui ne connait pas si El Mahdi Benmahdi à Aokas, où il s’est établi depuis plus d’un demi-siècle, et dans toute la région de Kherrata, son village natal ? Après une longue carrière en qualité d’enseignant de langue arabe dans la belle station balnéaire du Sahel, le défunt a vécu une retraite bien méritée avant de tirer sa révérence à l’âge de 91 ans.
Ses anciens élèves, aujourd’hui cinquantenaires pour la plupart, se souviennent de cet instituteur sévère, mais juste, auprès duquel ils ont appris les rudiments de la langue d’Ibn Al-Arabi.
Respecté, et honoré à plusieurs reprises, si El Mahdi ne rechigne pas à engager un débat autour des religions avec les jeunes qui apprécient l’ouverture d’esprit de ce sympathique patriarche.
Parlant en berbère, en arabe ou en français, selon le sujet traité, si El Mahdi ponctue souvent ses arguments à coups de versets du Coran qu’il connait par cœur. Par ailleurs, il a dirigé maintes fois des prières dans diverses mosquées et béni des mariages dans un grand nombre de foyers.
De par son aura, si El Mahdi faisait partie du décor de la charmante localité d’Aokas. Son image est devenue familière et son engouement pour la pêche à la ligne, proverbial. Plusieurs anecdotes relatives à la manière de prendre les poissons, où si El Mahdi tient le rôle principal, se racontent pour le plus grand plaisir des amateurs d’humour. Le cher et regretté disparu avait coutume de dire : « Quand je lance ma ligne dans l’immensité bleue, j’ai conscience que je tourne le dos aux Arabes, et mon cœur s’en trouve toujours apaisé ».
La foule nombreuse accompagnant le défunt à sa dernière demeure est un ultime hommage de la population à cet homme qu’elle tient en grande estime.
Si El Mahdi Benmahdi est allé au ciel après une vie bien remplie au service d’autrui. Sans nul doute, il doit être assis à la droite du Seigneur. Il le mérite. Adieu frère, adieu père, adieu grand-père ; à Dieu nous appartenons, à Dieu nous retournons…
Lem
On me dit souvent que je ne fais pas mon âge ; c’est vrai, mais n’empêche que je suis réellement âgé de « quatre-vingts sans dix ans ». Eh oui, septuagénaire ! Et alors ?
Eh bien, le septuagénaire qui vous parle fait trois fois par semaine un footing de dix kilomètres, et participe à tous les marathons possibles ; mais soyons modestes, disons semi-marathons qui sont même parfois « semi-remorque » quand la fin du parcours met sur les genoux.
On a coutume de dire « Ah, si jeunesse savait et si vieillesse pouvait ! ». Aujourd’hui, les vieux sont ingambes et paraissent jeunes, alors que les jeunes désœuvrés paraissent vieux. Normalement, les vieux pensent au tombeau et les jeunes au temps beau ; malheureusement, on constate l’inverse. Le phénomène morbide du suicide fait affreusement partie du quotidien chez les moins âgés.
Un peuple sans culture est voué à la décrépitude. Là, je ne parle pas de culture physique même si c’est important pour le cœur, ni de culture maraîchère même si c’est vital pour le corps, je veux parler de cet enrichissement de l'esprit par des exercices intellectuels, de cette application que l’on met à perfectionner les sciences, les arts, à développer les facultés humaines.
La culture peut éradiquer pas mal de fléaux sociaux qui accablent une population. Ibn Khaldoun disait : « pour construire le futur, il faut comprendre le présent ; et pour comprendre le présent, il faut connaître le passé ».
Autrement dit, pour ne pas s’égarer, il faut courir derrière le vieil art…
Lem