RAHMANI SLIMANE
Notre pays compte un grand nombre d'érudits, d'hommes et de femmes de lettres, d'artistes… qui auraient porté notre culture au firmament s'il était loisible à chacun de le faire. Herriot disait : « La culture, c'est ce qui reste quand on tout oublié » Or, chez nous, on a tout oublié jusqu'au reste de la culture. La culture permet l'acquisition d'un ensemble de connaissance favorisant le développement du sens critique, la recherche du goût, la justesse du jugement ; sans ces éléments, une société ne peut évoluer. Pire, elle est vouée à la décrépitude…
Des hommes de lettres, l'Algérie en a bien enfantés, mais les Algériens ne les connaissent pas tous. En effet, chaque terroir recèle d'illustres inconnus que l'absence de culture (justement) a ensevelis dans l'oubli. Ici, un hommage à l'un d'eux.
Le professeur Hadj Rahmani Slimane (comme l'appelaient ses contemporains) est né en 1893 à Aokas (Béjaia). Il s'est éteint le samedi quatorze novembre 1964 à l'âge de soixante et onze ans. C'était un mandarin d'une stature intellectuelle qui n'est pas sans rappeler celles des deux humanistes immortels, Mouloud Feraoun et Mouloud Mammeri.
Selon un citoyen d'Aokas, Diboune Amar, qui connaissait personnellement Rahmani Slimane, deux choses caractérisaient l'homme de lettres : son érudition et sa simplicité.
Rahmani Slimane fut l'auteur d'une dizaine d'œuvres littéraires d'une grande portée sociologique. Trilingue accompli – berbère, arabe, français – il a su faire bon usage de ces trois langues pour écrire des essais ethnologiques, des précis géographiques et des études historiques.
Membre de la Société historique Algérienne depuis 1934, il fut élu président d'un cercle littéraire international, et participa à plusieurs congrès organisés par la Fédération des Sociétés Savantes de l'Afrique du nord et ce, à Venise (Italie) en 1949, et à Vienne (Autriche) en 1952.
Avant de réussir son doctorat ès lettres en 1954 à l'université d'Aix (Marseille), Rahmani Slimane obtint – entre 1936 et 1940 – un diplôme de langue berbère et un diplôme d'études supérieures de langue et de littérature arabes.
Ses écrits et travaux ethnologiques et sociologiques chez les populations de Oued Marsa (Aokas) lui valurent une distinction en 1942 : Le grand prix littéraire de l'Algérie.
El Hadj Tairi Akli, contemporain de Rahmani Slimane, raconte que lorsqu'une haute personnalité française proposa un jour à l'homme de lettres son appui pour lui faire obtenir la naturalisation française, celui-ci eut cette réponse fabuleuse :
« Merci pour cette offre généreuse. Mais si d'aventure je l'acceptais, croyez-vous que je pourrai alors garder sur ma tête le tarbouche[1], symbole de mon appartenance à mes origines ? »
Rahmani Slimane fut instituteur, puis professeur d'arabe et de berbère à l'école normale de Bouzaréah et dans différents lycées de la capitale jusqu' en 1964, date de son décès.
Sa riche bibliographie est un véritable voyage culturel au cœur de notre société. L'inventaire et la réédition de ses œuvres apporteront une assise supplémentaire à notre culture qui « fout le camp ». Sous d'autres cieux, la culture revêt une importance fondamentale, et tous les moyens sont mis en œuvre pour la conserver, l'entretenir et favoriser son épanouissement. Mieux, non seulement on consolide sa propre culture, mais on cherche aussi à connaître celle des autres, car on considère que toute langue est une culture, et que chaque culture est un enrichissement sans cesse renouvelé.
Une véritable prospection de notre patrimoine culturel reste à faire pour mettre à nu nos valeurs cachées et inexploitées.
Bibliographie Connue de Rahmani Slimane
Recueil des notices et mémoires de la société archéologique,
historique et géographique du département de Constantine (1933)
Coutumes des labours chez les Béni-Amrous (1933)
Le mois de mai chez les Kabyles (1935)
La grossesse et la naissance au Cap-Aokas (1937)
L'enfant chez les Kabyles jusqu'à la circoncision (1938)
Le mariage chez les Kabyles du Cap-Aokas (1939)
Le divorce chez les Kabyles (1940)
Le tir à la cible et le « nif » en Kabylie (1949)